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Nicolas Repac revisite l’histoire du jazz et la sienne

« Le sampler, c’est une machine à recycler. Une chose a eu une existence, et tu lui en proposes une autre, tu lui offres une réincarnation, en quelque sorte. » Attablé dans un bar du 18e arrondissement, à Paris, métro Lamarck-Caulaincourt, pas très loin de chez lui, Nicolas Repac évoque son instrument de création favori, à quelques jours de la sortie, le 13 septembre, de son nouvel album, Gramophonie, magnifique fresque sonore sans âge. Musicien guitariste, arrangeur et producteur, compagnon de route d’Arthur H depuis plus de vingt-cinq ans et également lui-même chanteur, auteur-compositeur interprète à ses heures – La Vile (Label Bleu, 1997), La Grande Roue (Les Disques Deluxe, 2007) –, il redit combien le sampler a révolutionné sa vie : « Tout est possible avec lui, c’est une sorte d’extracteur de rêves. »
En 2004, avec Swing-Swing (Nø Førmat !), un album fait d’emprunts, entre autres au jazz des big bands de Harlem des années 1920 et 1930, il fut un des premiers artistes publiés par le jeune label Nø Førmat !, créé cette année-là par Laurent Bizot, alors en activité au service juridique d’Universal Jazz. Nø Førmat !, fête cette année ses 20 ans, notamment par une série de concerts à travers la France des artistes de son catalogue.
Après avoir publié Black Box (2012), un travail fait à partir d’enregistrements de chants de prisonniers afro-américains captés par le musicologue Alan Lomax (1915-2002), puis Rhapsodic (2021), pour lequel il avait puisé dans les collectages de musiques traditionnelles de Charles Duvelle (1937-2017), et plusieurs albums sur le label réalisés pour les chanteuses Mamani Keita, Dobet Gnahoré, le musicien et chanteur Abou Diarra, Repac rêvait de donner une suite à Swing-Swing.
Cet anniversaire de Nø Førmat ! en a offert le prétexte. Vingt ans après, voici donc Gramophonie, « film sonore avec plein de fantômes dedans », un album de « fripe jazz, dans l’idée de recycler la musique comme des vieux vêtements qui peuvent encore servir ». Repac y convoque jazz d’hier et d’avant-hier, scat, doo-wop (The Mills Brothers, Jabbo Smith, The Cornets, le pianiste Phineas Newborn Jr, le contrebassiste Yves Rousseau, le saxophoniste Simon Spang-Hanssen), mais également chanson française (Adamo, Elise Caron, Sophie Rockwell), le compositeur Sergueï Prokofiev, la Banda Municipal de Santiago de Cuba relisant Schubert.
Bien plus qu’un prolongement de Swing-Swing, c’est donc un sidérant kaléidoscope musical tressé de légèreté, jovial… et mélancolique à la fois. « Je voulais raconter une histoire, c’est ce qui m’intéresse dans mes disques, à travers des musiques que j’aime, j’ai un amour du jazz des big bands, de ce vieux son qui part des gramophones jusqu’au pick-up de mon enfance. Mais c’est aussi un album en rapport avec les émotions que je traversais et que la vie m’a fait traverser ces dernières années. » Il avait besoin, précise-t-il, de mettre par moments quelque chose de plus lent, davantage mélodique, « quelque chose qui me ressemble ».
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